Le talent foudroyé

Deux pages dans Elle ( numéro 3402: Splendeur et déchéance) et Sophie Fontanel nous dit autre chose que tout ce que l’on a pu lire ailleurs. A travers une analyse distanciée, profonde, la journaliste plonge dans l’âme douloureuse de l’enfant terrible de la mode pour n’en retenir que les glissements. En dépassant les propos dégradants  proférés par le couturier de génie, elle ne s’appesantit pas sur les détails sulfureux qui ont fait les gorges chaudes d’une presse à scandale mais tente avec brio un décodage plus psychologique, plus humain: dans la vie , on a toujours quelqu’un tout près qui dit: Stop, tu déconnes. Ou bien les gens insultés vous envoient le contenu d’un verre à la figure. Mais une star, on ne l’arrête pas, on la filme…  Mais on peut tout de même être épouvanté par la solitude de cet homme. Il va très mal. Qu’est-ce qu’il fiche là dans un bar à se bourrer la gueule, seul? Qui s’occupe de lui? Où est sa famille? Où sont ses vrais amis…

UNE OUVERTURE DE SHOW MÉTAPHORIQUE

Moi aussi je percevais un masque triste et un malaise existentiel sous le visage grimé.  Derrière sa façon outrancière de venir saluer la foule pour mieux se gorger de son succès qu’il étalait là sous nos yeux éblouis, il aimait offrir son corps et le laisser transpercer par les vivats. Regardez-moi, admirez-moi.
Et puis cette solitude tout autour de lui, la gloire planétaire mais le vide immense. En plein dans le voyeurisme, dans notre société  du souriez vous êtes filmés, les stars sont chassées comme des proies; quelle place réservons-nous à leur intimité, nous lecteurs cannibales de leur vie privée. Et cette vidéo ancienne qui déboule deux mois et demi après… Et puis l’alcool: êtes-vous sûr de recueillir des propos édifiants en écoutant les confessions alcoolisées des consommateurs? Sur le forum de Elle.fr, j’ai lu des témoignages antisémites tous écrits par des anonymes non-avinés au sujet de la clientèle du Sentier et les auteurs de ces brûlots, quelle sanction pour eux?

Ce génie s’est brûlé les ailes et peu importe au public ce qu’il tentera de nous raconter pour se racheter une conduite exemplaire: ses paroles ignobles et discriminantes étoufferont à jamais ses excuses. Pourtant, sur le podium il savait comme personne restituer au monde les cultures et les civilisations dans une envolée chromatique incandescente.

Moi je me dis que tout cela est bien triste, de la splendeur à la décadence il n’y avait finalement qu’un espace étroit à franchir. Si dans un autre registre vous avez pardonné à la brindille son addiction en direct, redonnerez-vous sa chance à John Galliano ?
A travers ce témoignage de remerciement à notre Fonelle nationale, j’avais envie d’écrire cette lettre ouverte à Monsieur Galliano qui depuis sa chambre aseptisée d’Arizona la recevra peut-être par le miracle d’internet.

13 réflexions sur “Le talent foudroyé

  1. PrincessK DJ dit :

    « Mais une star, on ne l’arrête pas, on la filme… »

    comme c’est vrai!
    puis on l’abat comme un vulgaire bestiau malade

    « du pain et des jeux! »
    l’homme en est toujours là!
    il y en a qui s’amusent ou profitent des problèmes des autres, du malheur d’autrui

    « Et cette vidéo ancienne qui déboule deux mois et demi après… »
    ça c’est du médité, hein?

    « êtes-vous sûr de recueillir des propos édifiants en écoutant les confessions alcoolisées des consommateurs? »
    il suffit d’être patron de bar (ou employé) pour le savoir
    il suffit de déambuler dans de grandes fêtes populaires pour le savoir

    les gens « en vue » n’ont pas droit aux pas
    ou certains d’entre eux n’ont droit à aucun faux pas

    les secondes chances il est difficile d’en avoir actuellement, même dans des milieux « ordinaires » qui ne font pas le devant des scènes

    Cette épreuve est très dure pour le milieu de ceux qui aiment la belle couture
    elle est très dure pour Galliano

    mais « Dieu écrit droit avec nos lignes courbes »
    souhaitons que du bien et du bon sortent finalement de cette épreuve pour John lui-même

    et qui sait?
    le génie qui est en lui pourrait bien le ressusciter de ses cendres! comment?
    si de la confiance peut surgir de l’à venir

  2. Modeuse dit :

    Kate Moss peut sniffer la moquette de Buckingham Palace si elle le souhaite, ça n’a que peu d’impact sur nous « les gens normaux ».

    Par contre on ne peut pas nier que la Seconde Guerre Mondiale a laissé des cicatrices encore mal refermées un demi-siècle plus tard, en France comme dans beaucoup d’autres pays.

    Chacun à droit à ses opinions, John Galliano inclut, mais faire le choix de les exprimer publiquement (devant 10 ou 10 000 personnes) entraîne forcément des conséquences publiques !

    C’est bien trop facile de blâmer l’alcool ou la dépression/solitude ; la plupart des gens bourrés qu’on croise à la sortie des pubs ne se lancent pas dans des discours sur Hitler. (ou Kadhafi ou Bocassa,…)

    Voilà, c’était mon pavé du matin 🙂

    http://globe.modeuse.free.fr

    • miss patchouli dit :

      Tu sais Modeuse en publiant ce post ainsi que je le disais à Princesse, j’avais peur de m’attirer les foudres incomprises de mes lectrices; bien sur que je condamne les propos ignobles proférés mais ce qui me choque c’est l’attitude de la personne qui a filmé le tout. Ces propos n’ont pas été échangés publiquement comme tu le mentionnes mais filmés et diffusés à toute la planète et cette instrumentalisation me choque aussi. Je te renvoie au commentaire de princesse et aux pages de Elle (numéro 3402: Splendeur et déchéance par Sophie Fontanel) et comme je le souligne dans mon article sur le forum du même magazine ouvert à tous ceux qui souhaitent réagir anonymes ou membres, les commentaires antisémites écrits par des auteurs non alcoolisés étaient pléthores.
      Voilà, simple recadrage de ma part pour éviter la confusion et te dire que je ne suis pas pro-Galliano mais que je tente de comprendre pourquoi ce scandale aujourd’hui après 15 ans de couture flamboyante chez Dior. J’aime juste les belles choses et face à un tel gâchis on est en droit de se demander pourquoi.

      Plein de bisous.

      • Modeuse dit :

        Je t’avoue que je n’ai pas lu l’article de S.Fontanel, je ne vais donc pas m’y référer.

        Loin de moi l’idée de penser que tu défends J.Galliano. (et même si c’était le cas ??? Tu as encore le droit de dire ce que tu veux sur ton blog 😉 )

        Simplement j’exprimais mon sentiment face à l’argumentaire « il était bourré/il s’est fait avoir/il ne fallait pas le filmer ».

        Bien que John soit un « vieux » de 50 ans il est plus qu’au courant de la manière dont fonctionne le monde (2.0) d’aujourd’hui, il n’a jamais été le dernier à s’afficher médiatiquement.

        Ca arrive de plus en plus souvent maintenant que des gens même anonymes se fassent griller sur la toile ; une canadienne s’est faite supprimer ses indemnités de congés maladies parce que les autorités ont trouvé sur Facebook des photos d’elle en train de faire la teuf au lieu de se reposer à la maison.

        Pour résumer ce nouveau pavé (décidément) chacun à droit d’exprimer ses opinions quelles qu’elles soient, mais il faut les assumer une fois qu’elles s’étalent sur la place publique.

        Voilà j’ai fini, passe une très bonne nuit 🙂

        http://globe.modeuse.free.fr

  3. miss patchouli dit :

    Sans rancune Globe Modeuse, alors toujours amies? Merci à toi de rendre ce blog vivant et réactif; au-delà de la polémique, la réflexion demeure.

    Belle journée à toi.

  4. ladyapolline dit :

    Toi aussi tu écris drôlement bien et si Galliano lit ta lettre il en sera sans doute touché.
    Les propos qu’on lui prête sont il est vrai, d’une bien laide stupidité, en plein Marais, à deux pas de la rue des Rosiers … à 1km à vol d’oiseau du Cimetière du Père Lachaise où l’on peut voir, sortant de la pierre, les deux immenses mains liées, du Mémorial des Femmes à Ravensbruck …

    A-t-il prononcé de tels mots ? … Quelle que soit la décision de justice, je pense qu’à un moment, il devra communiquer là-dessus.

    Quant à son travail … un foisonnement d’intelligence, de talent, d’étoffes, de matières diverses, tout en mouvement … John Galliano avait relooké Christian DIOR.

    • miss patchouli dit :

      Merci du fond du cœur Apolline pour toutes ces belles paroles au sujet de mes textes. Dans ce blog à lire, je ne me contente pas de décrire un vêtement ou d’en donner le prix mais plutôt de l’inscrire dans l’histoire, la langue française et l’émotion.
      Et pour en revenir à l’affaire du Café de La Perle, quelle perte immense pour la couture et la mode de voir disparaître du podium les sortilèges que John Galliano jetait aux étoffes en les sculptant dans une folie créatrice illuminée de teintes exotiques et tapageuses.

      Doux week-end et toute mon amitié.

  5. Apolline dit :

    22 Juin 2011 : Petite fille de  » Juste », je ne saurais tolérer d’aucune manière l’antisémitisme.
    Cependant, je suis si triste de ce qui se passe à l’audience correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris. Je connais bien le monde judiciaire … c’est mon métier.
    Pour n’importe qui d’autre que John Galliano, cette affaire aurait fait l’objet d’une médiation pénale. Pourquoi cette discriminationsocio-professionelle qui conduit cet artiste vulnérable en tant qu’homme, malgré le montant de son bulletin de salaire, devant les Tribunaux, plutôt que devant un Médiateur ?
    Pourquoices plaintes en cascade ? Pourquoi cette demande d’argent ?
    Il m’a été demandé, il y a bien longtemps, de plancher sur le sujet suivant :  » L’intelligence est un risque majeur » … Je m’en suis souvenue toute ma vie. Et aussi, que dans certaines tribus africaines, autrefois, on lacérait le visage des enfants trop beaux, pour qu’ils échappent à la vindicte des mauvais esprits.

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